C’est officiel, ça chauffe ! Le dernier rapport du GIEC vient de tomber et avec lui, la pression monte concernant la nécessité d’agir vite pour réduire les conséquences du réchauffement climatique. Les Français sont-ils prêts à s’investir pour l’écologie ? Si l’on en croit les chiffres, les jeunes, oui ! D’après un sondage réalisé par Ipsos en novembre 2021, 79% d’entre eux se disent intéressés par la thématique du réchauffement climatique et 44% le citent parmi leurs principales préoccupations. Une étude encore plus récente, réalisée en février 2022 par Ipsos pour la FAGE (la Fédération des Associations Générales Étudiantes), montre que l’écologie est la deuxième préoccupation des électeurs de moins de trente ans, juste après le pouvoir d’achat. À titre de comparaison, chez les « seniors » (les personnes de plus de trente ans, donc) seuls 30% se soucient du réchauffement climatique. Au moment de l’élection présidentielle qui approche à grands pas, cet attrait de la jeunesse pour les problématiques environnementales se fera-t-il pour autant ressentir dans les bulletins de vote ? Ce questionnement trouve une partie de sa réponse dans les propositions que les politiques prévoient par rapport à la transition écologique.
Des politiques environnementales divergentes…
Interrogés par nos soins, des représentants de différents partis expriment leur avis sur l’écologie, facteur pouvant s’avérer déterminant dans les bulletins de la jeunesse. La pluralité d’opinions est nette : tout le monde n’aborde pas l’enjeu climatique de la même manière. Certains sont optimistes et réformistes, là où d’autres sont plus pessimistes. Côté rouge, Pierre Laurent du Parti Communiste Français pose les bases sur la manière dont il perçoit l’intérêt de la jeunesse pour les politiques environnementales : « je crois que pour la génération des 18-24 ans, la question climatique est une question existentielle ». Il concède l’importance de voir des changements concrets frapper notre société, mais ne souhaite pas qu’ils soient trop brutaux. Il poursuit : « Comme disent souvent les jeunes en manif : le problème ce n’est pas le climat, c’est le système ! C’est à ça qu’il faut s’attaquer et c’est ce que propose le programme de Fabien Roussel. »​​​​​​​
Julien Bayou, membre d’Europe Écologie Les Verts, résume son parti en une phrase : « Nous sommes le parti de l’écologie et l’écologie, c’est à la fois la solidarité à l’égard des plus vulnérables et la capacité des générations futures à vivre une vie authentiquement humaine. » Il développe en faisant un lien avec la situation actuelle en Ukraine : « Ukraine, climat : même combat. C’est à dire que l’on a vu qu’il fallait une réponse ferme et unie à l’égard de l’impérialisme Russe. Demain, on a besoin de l’Europe et des investissements dans la transition écologique pour garantir la lutte contre le dérèglement climatique mais aussi l’indépendance à l’égard du gaz russe. L’indépendance énergétique, la vraie indépendance à l’égard des dictateurs, c’est la transition écologique. » 
Au Parti Socialiste, « nous portons l’idée de social-écologie » explique Patrick Kanne. Pour lui, l’intégration du mot "liberté" est très important : « la liberté de pouvoir vivre dans un logement correct, de se déplacer, de se nourrir dans de bonnes conditions avec des produits de qualité ». La sociale-écologie, c’est donc de « ne jamais oublier cette notion de liberté tout en faisant en sorte qu’elle soit accessible à tous et pas seulement aux plus fortunés. »

Julien Bayou (EELV) ©Quentin Nataf

Clémentine Autain, elle, s’exprime sur la vision du groupe France Insoumise, le seul parti de gauche envisagé au second tour des présidentielles : « Je pense que nous sommes les plus conséquents, les plus cohérents (vis à vis de l’écologie). Il n’y a pas de bifurcation possible sans remise en cause du profit, du libéralisme économique. »
Enfin, les visions par rapport à l’écologie se tranchent souvent sur la question du nucléaire. Christophe Castaner, représentant de La République En Marche, entame : « je ne crois pas au modèle qui considère que l’on peut se débarrasser totalement du nucléaire, ni à celui qui considère que l’on peut tout passer en énergie renouvelable. » Sur ce sujet, il indique que son parti a « fait un choix qui est une révolution dans le choix énergétique : baisser nos consommations avec un objectif de -40%, faire monter en puissance la consommation d’énergies renouvelables mais assumer aussi que nous avons besoin de l’énergie nucléaire dans notre pays. » 
Une vision qui ne détonne pas avec les propos de Vincent Abad, le représentant du parti Les Républicains : « Churchill disait "la guerre est une affaire trop importante pour être laissée aux seules mains des militaires". Moi je pense que l’écologie est une affaire trop importante pour être laissée aux seules mains des verts. » Il conclut d’ailleurs sur une invective lancée à leur encontre : « notre différence avec les verts, c’est que nous avons une écologie concrète. Nous ne nous contentons pas de l’idéologie ».​​​​​​​

Clémentine Autain (FI) ©Quentin Nataf

…qui laissent les jeunes perplexes
Face à toutes ces politiques, les jeunes ne s’y retrouvent pas forcément. Élise Buard est étudiante en troisième année à l’Agro Paris Tech. Aucun parti ne l’intéresse vraiment, hormis peut-être celui de Yannick Jadot. Et encore : « il propose beaucoup mais reste à voir ce qu’il ferait concrètement, car il n’a pas une expérience poussée et ça s’entend ».​​​​​​​
Pour Albine Bleriot, en licence deux d’histoires et sciences politiques à l’Institut Catholique de Paris, « il faut voir comment les candidats incarneront l’écologie s’ils sont élus, parce que c’est un sujet à la mode, mais dans le mauvais sens du terme : les politiques ont tendance à se l’approprier davantage pour se faire bien voir, plutôt que dans une réelle volonté de changer les choses. » Juliette Bony et Erwan Beligne sont dans la même licence qu’Albine. La première va « vraiment faire attention à l’écologie » au moment de faire son choix. « Je suis également très intéressée par les questions sociales, mais elles vont de pair avec l’environnement donc je vais essayer d’avoir une vue d’ensemble et de ne pas faire passer un sujet avant l’autre. » Quant à Erwan, il ne se reconnaît à travers aucun candidat incarnant l’écologie. « Je me reconnaît vraiment plus dans les candidats de droite pour lesquels l’écologie n’est pas la priorité » ajoute-t-il.​​​​​​​ 
Pourtant, les jeunes ne se fichent pas complètement des enjeux environnementaux : pour certains, c’est même une priorité. Élise Buard s’est spécialisée dans l’agronomie, alors forcément, « l’écologie est le sujet qui me préoccupe le plus. Au moment du vote, ce sera le facteur déterminant, même si je prendrai en

Juliette Bony (à gauche) et Albine Bleriot (à gauche), étudiantes à l'ICP ©Charlotte Mercier

compte d’autres choses. »Albine Bleriot, elle aussi, s’intéresse avant tout à ce sujet. D’ailleurs, elle a des attentes : « j’attends des politiques qu’ils posent des mesures strictes. Le but ça serait que tout le monde s’engage, avec quelqu’un à la présidence qui nous pousse à le faire en supprimant des choses, notamment certains aspects qui nous apportent du confort mais qui nuisent à l’environnement. » De son côté, Juliette Bony accordera elle aussi une place importante à l’écologie au moment de voter : « ça fait longtemps que je m’intéresse à l’environnement et que j’essaye de sensibiliser sur ce sujet-là. J’ai par exemple un compte Instagram à ce sujet et je mange vegan. Après, les actions personnelles c’est bien, mais ça ne suffit pas : c’est pour cela que j’aimerais voir quelque chose aboutir d’un point de vue politique. »Pour d’autres au contraire, l’écologie est loin de passer au premier plan. Erwan Beligne a d’autres priorités, à savoir la sécurité sur le territoire français, l’éducation mais aussi la santé. « Pour moi, la France a déjà en grande partie tenu son contrat en termes de carbone. C’est le pays le plus décarboné d’Europe grâce au nucléaire donc je ne m’attends pas à ce qu’il y ait de grands projets par rapport à ça. L’écologie est une préoccupation à avoir dans la vie de tous les jours mais dans la question du vote ce n’est pas la mienne. Ça le sera peut-être plus lors des élections européennes, où on pourrait faire passer

Benoit de Labrouhe (à gauche) et Erwan Beligne (à droite), étudiants à l'ICP ©Charlotte Mercier

de grandes lois au niveau continental, mais au niveau national ça n’aurait vraiment aucun impact. » Benoit de Labrouhe, étudiant dans la même licence, le rejoint sur ce point : « Pour moi l’écologie n’est pas un sujet majeur. Lutter pour notre sécurité sur le territoire français est bien plus urgent. Globalement, on a le choix entre mourir maintenant en se focalisant sur le réchauffement climatique tout en étant la cible de l’insécurité en France, soit ne pas le prendre en compte du tout et mourir dans 100 ans. Je pense qu’il y a un juste milieu : d’abord il y a certains problèmes à régler sur le court terme et une fois que l’on aura trouvé une situation plus stable et que l’on sera en capacité d’agir, il y aura d’importantes mesures à prendre concernant le réchauffement climatique. »
Enfin, il y a ceux qui sont « dans le déni », comme le souligne Élise Buard : « Les gens ne sont pas suffisamment engagés et il faut qu’ils en prennent conscience. Autrement, on fonce droit dans le mur ». Donc globalement, face aux enjeux climatiques énoncés notamment par le dernier rapport du GIEC, tous semblent être d’accord sur un point : il y a bel et bien une problématique environnementale à prendre en compte. Mais au vu des propositions politiques en la matière, les opinions divergent quant à l’influence de ces enjeux sur la manière d’élire le nouveau président.

Élise Buard, étudiante à l'Agro Paris Tech ©Quentin Nataf

Les jeunes ont beau être davantage impliqués que leurs aïeux en matière d’environnement, tous ne sont pas prêts à s’impliquer de la même manière. À chacun ses priorités !

Quentin Nataf & Charlotte Mercier
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