Pourquoi peut-on dire que la Turquie s'oppose à la Russie dans le conflit du Haut-Karabakh ? 
Dans ce conflit, qui oppose initialement les Arméniens du Haut-Karabakh à l'Azerbaïdjan, la Turquie prend parti pour l'Azerbaïdjan, alors que la Russie se positionne plus neutralement, en s'imposant comme médiateur du conflit. Concrètement, la Turquie envoie des forces armées (notamment syriennes) combattre aux côtés des Azéris, et la Russie participe aux accords de cessez-le-feu, en plus de vendre des armes aux deux camps.
Pourquoi la Turquie affiche clairement une prise de partie pour le camps opposé à la Russie ?
La Turquie montre ouvertement son positionnement en faveur de l'Azerbaïdjan en envoyant des troupes combattre sur place à ses côtés. Ainsi, elle "attise le feu" du conflit pour empêcher sa désescalade, souhaitée par Moscou. 
Le but est d'abord de montrer sa puissance et son influence au sein du Moyen-Orient, et d'attiser le nationalisme turc, fragilisé par les conséquences internes de la crise du Covid-19 sur son économie. Mais  le but de cette prise de position est également que la Russie, pour rééquilibrer le conflit et tenter de le finir sur une note à peu près équitable, soit obligée de prendre parti à son tour, renonçant à son rôle officiel de médiateur du conflit, important pour elle car vantant à l'international ses capacités dans la gestion des conflits. 
Il est important de rappeler que les deux états ont pour objectif de s'imposer chacun comme puissance incontournable dans la région du Moyen-Orient. 
Pourquoi la Turquie prend parti pour l'Azerbaïdjan, et pas pour les Arméniens du Haut-Karabakh ? 
Historiquement, la Turquie n'entretient pas de bonnes relations avec l'Arménie: elle entretient un négationnisme d'Etat par rapport au génocide des arméniens, opéré entre 1915 et 1918 par le gouvernement Jeunes Turcs Ottomans, et épaulé par une partie des Tatars du Caucase, c’est-à-dire les Azéris actuels. Ce génocide a également touché la population de l'actuel Karabakh. Depuis le début du conflit dans le Haut-Karabakh, la Turquie a ainsi imposé un blocus avec l'Arménie: il lui est impossible de reconnaître cet Etat et son histoire. 
Quant à l'Azerbaïdjan, en plus d'abriter une population de la même origine ethnique que la majorité de la population turcophone, il a pour la Turquie une importance stratégique en lui fournissant du gaz naturel. De là s'est créée une coalition turco-azérie, que le président turc Recep Tayyip Erdogan a immédiatement rappelé dès la reprise des hostilités dans la région du Haut-Karabakh à l'automne dernier. Dans son discours, il fait référence à "un seul et unique peuple". 
De son côté, pourquoi l'histoire commune de la Russie avec le Haut-Karabakh justifie sa position actuelle de médiatrice du conflit ? 
En 1921, alors que l'URSS vient de naître et que Staline se tient au rang de commissaire aux nationalités (il n'arrivera à la tête du pays qu'en 1929), ce dernier décide de rattacher le Haut-Karabakh (majoritairement peuplé d'Arméniens) à l'Azerbaïdjan. En 1988, un mouvement populaire dans la région du Haut-Karabakh s'autoproclame plutôt comme République socialiste soviétique. S'en suit, jusqu'en 1991, une escalade de violence au cours de laquelle les forces soviétiques soutiennent les loyalistes Azerbaïdjanais contre les indépendantistes Arméniens du Haut-Karabakh. À cette date, qui correspond à la dissolution de l'URSS, la donne change, puisque la fédération de Russie décide de garder une certaine équidistance entre les belligérants, alors que le Haut-Karabakh se déclare cette fois indépendant. Mais cette déclaration n'est pas reconnue par la communauté internationale, ce qui déclenche de nouvelles violences entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan. 
Depuis, diverses évènements, comme la trêve de 1994 ou la "guerre des Quatre Jours" en 2016, prouvent que ce conflit ne cesse de ressurgir, n'étant toujours pas réglé dans le fond. La Russie tente donc actuellement de contenir ces escalades de violence, tout en ayant à composer -entre autres avec les ambitions turques venues se rajouter au dossier. 
Pourquoi le conflit du Haut-Karabakh n'est qu'un exemple parmi les dossiers qu'ont en commun la Turquie et la Russie ?
Les relations turco-russes sont de manière générale mitigées: les deux Etats ayant la même ambition de s'imposer comme puissance incontournable dans la région du Moyen-Orient, il est évident que nous les retrouvions dans divers dossiers en commun, certains les opposant, d'autres les alliant. 
Le conflit du Haut-Karabakh est donc un exemple d'opposition entre ces deux puissances, qui s'ajoute à celui du conflit syrien, au cours duquel Poutine soutient Basher El Hassad alors qu'Erdogan a soutenu la rébellion arabe, ou celui du conflit libyen, au cours duquel Poutine soutient le maréchal Haftar alors qu'Erdogan est du côté du gouvernement de Tripoli. 
Mais la Turquie et la Russie, malgré ces oppositions, sont aussi interdépendants : la Russie exporte énormément d’hydrocarbures en Turquie (dans les années 2010 plus de 50% du gaz importé en Turquie venait de Russie, et même si cette part a chuté à 33% en 2019, ce gaz reste stratégique pour l’approvisionnement turc), et la Turquie contrôle les détroits du Bosphore et Dardanelles que doivent emprunter les navires russes pour quitter la mer noire. 
On peut dire que les deux sont opportunistes: ils coopèrent sur certains dossiers, s’opposent sur d’autres, et ne rateraient pas une occasion de s’imposer face à l’autre (comme nous le montre la stratégie de chacun dans le conflit du Haut-Karabakh).
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