Depuis plus d’un an, la pandémie mondiale impacte particulièrement les étudiants français. Privée de beaucoup de ses libertés, cette jeunesse aux besoins d’expression plus vivants que jamais, parvient à trouver des alternatives à la « vie normale » devenue synonyme d’idéal.

Préparation d'une maraude par des étudiants, à destination des personnes en précarité. Le 24 mars 2021 à la place de La Sorbonne, Paris.

Alors que les mesures interdisent de quitter son domicile à partir de 19h, Mathilde, 20 ans, se réunit avec ses amis dans son appartement parisien. Seulement voilà, 13m2 pour quatre personnes, c’est vite rempli, et surtout, ça limite les possibilités. Les jeunes n’ont pourtant « pas le choix » : s’ils veulent continuer à profiter de leur vie étudiante, ils se voient « obligés de transgresser. On se dit que ce qu’on fait, ce n’est pas forcément mal ». François-Xavier, étudiant de 23 ans en fin d’études d’ingénieur informatique à l’EFREI, souligne, comme Mathilde, le fait que « pour moi, le couvre-feu n’est pas trop un problème ».
Pourtant, à l’image de Luca, étudiant de 21 ans en médecine, pas question de faire preuve d’irresponsabilité. D’un ton calme, il explique transgresser les couvre-feux, tout en prenant le moins de risques possibles. « Depuis le Covid, je me contente de petites soirées, sauf pour les occasions spéciales où on se permet de réunir une trentaine de personnes maximum. » De son côté, Juno, étudiante de 18 ans en arts plastiques à la Sorbonne, témoigne avoir réussi à faire quelques grosses soirées en début d’année, avant d’avoir fini par s’en lasser : « ça m’a gavé de rester avec des gens que je ne connaissais pas de 18h à 6h. »
Outre la fête, les jeunes sont poussés à ses réinventer pour satisfaire leurs besoins de découvertes, propres à chaque nouvelle génération d’étudiants. D’un naturel très sociable et de par son énergie communicative, Juno n’a pas eu de mal à se faire de nouvelles relations durant sa première année d’études dans la capitale. « Tout en respectant les gestes barrière, j’essaye de ne pas devenir parano, et de sortir rencontrer un maximum de gens, de leur parler, de profiter. Je sociabilise beaucoup dans les manifs, ou dans la rue ». En l’occurrence, aujourd’hui la jeune fille participe à une distribution de colis pour venir en aide aux étudiants dans le besoin. L’occasion de se rendre utile, tout en évitant de « déprimer seule dans mon appart’ ».
Par leur formation tournée vers la pratique, certains étudiants sont encouragés à préserver un semblant de vie normale. Une chance qui leur permet non seulement de sociabiliser davantage, mais aussi de vivre des expériences riches autour de projets porteurs de sens. Dans le cadre de son bachelor chef de projet digital, Florian, 18 ans, a par exemple été amené à réaliser un court métrage avec son équipe. « En plus de nous former, ce qui est cool avec ce genre de projets, c’est que ça te donne la possibilité de passer outre le règlement.  En plus, dans mon cas, l’avantage c’est que nous avons pu avoir des castings que nous n’aurions jamais eu en période normale, grâce aux entretiens à distance. »
Bien que freinés dans l’expression de leur jeunesse, les étudiants, par l’intermédiaire de ces initiatives, parviennent à tirer du positif de cette période si restrictive. « Le fait de rentrer à l’heure du couvre-feu me permet de me poser, d’avancer sur mes projets alors que de base j’irais en soirée et je ne bosserais jamais autant », avoue Juno. De la même manière, Juan Carlos, doctorant de 35 ans en herbologie à la Sorbonne, confie que « comme il n’y a pas grand-chose à faire d’autre, je travaille plus, et je lis plus. Je pense que certaines habitudes resteront, comme venir à la bibliothèque ».
Une génération sacrifiée
Aujourd’hui, la jeunesse est comme prisonnière. On lui demande de fournir beaucoup d’efforts, trop pour certains, de se sacrifier… mais tout semble bien inutile au vu des résultats. Evidemment, les premières choses à évoquer sont le manque de liberté et le lien social quasi inexistant. François-Xavier a du mal à supporter la situation actuelle : « Ca fait plus d’un an que socialement j’ai l’impression de stagner, je vais voir uniquement les mêmes personnes ». Un sentiment d’incompréhension et d'injustice règne parmi les jeunes. La vie culturelle s'est subitement arrêtée, plus aucun lieu n'est accessible : musées, bars, théâtres, tout est fermé. Juan Carlos comprends « que l’on ne puisse plus faire la fête à cause des restrictions, mais que les lieux culturels demeurent fermés, ça m’a frappé. D’autant plus qu’une fois, j’ai pris le train et il était bondé. C’est illogique. » Des décisions gouvernementales qui donnent donc aux yeux de certains l’impression d’une négligence envers la jeunesse. Pourquoi ouvrir les grandes surfaces, si on ne peut plus aller à l’école normalement ? Ni au musée ou au cinéma ? Beaucoup de questions se posent, pour très peu de réponses. Du haut de ses 35 ans, Juan Carlos est à même de comparer la période qu’il a connu lors de ses premières années d’études à celle-ci: « Pour moi, ça a été une très belle époque. C’est triste que les étudiants actuels ne puissent pas la vivre de la même manière que quand j’avais 20 ans. Si j’étais à leur place, j’aurais déjà transgressé les règles ! »
La jeunesse éprouve également de l’inquiétude face à son futur, qui se retrouve directement impacté par la pandémie. La plupart des étudiants pense faire partie d’une génération sacrifiée. Romane, élève de seconde, est d’ailleurs très remontée : « Je suis frustrée quand je parle avec des adultes, je ne comprends pas pourquoi les plus vieux sont au premier plan, c’est nous l’avenir ». Il faut que ce dévouement soit essentiel : les jeunes sont contraints de freiner leur épanouissement pour maîtriser l’épidémie, mais les résultats ne sont même pas encourageants. Le coronavirus regagne du terrain, et plusieurs nouvelles restrictions sont venues s’ajouter à celles déjà en place. François-Xavier souligne : « si notre génération s’est sacrifiée mais qu’il n’y a pas d’impact, parce qu’au final on se rend compte que dans les sondages beaucoup de personnes âgées ne veulent même pas aller se faire vacciner, on aura tous douillés pendant un an mais ça n’aura servi à rien ».
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