José Fernandes est le pilier du théâtre Simone Signoret, à Conflans-Sainte-Honorine. Plongé quotidiennement dans le monde du spectacle, il vit au cœur des conséquences infligées par le Covid-19 à la culture.

Dans ses yeux bleus se reflète une lueur paradoxale, celle d’une passion qui ne peut plus s’exercer. A 62 ans, José est régisseur général et directeur technique du théâtre Simone Signoret. Depuis sept ans qu’il y travaille, jamais il n’a connu une période si démoralisante. « Economiquement parlant pour le théâtre c’est catastrophique, mais moralement c’est pire. On ne peut pas se projeter ». Aujourd’hui José est un employé fixe, mais a longtemps été intermittent. C’est d’ailleurs la période qu’il a préféré, pour la liberté qu’elle lui permettait : « Quelque chose qui est hors de prix, c’est de pouvoir travailler avec qui l’on veut ». Pourtant avec le Covid, il plaint ses collègues qui le sont encore, et qui ne perçoivent aucun revenu depuis le confinement.
Une culture non essentielle ?
« Où est-ce qu’on a vu que le spectacle n’est pas essentiel pour le moral des gens ? » s’indigne M. Fernandes. Assis dans la loge dédiée aux musiciens, il raconte comment il adapte son travail à la situation. « On essaye de s’occuper, on reprend des choses qui habituellement passent au second plan ». Les pièces sont astiquées, rangées, le matériel réorganisé. De temps à autre il a l’occasion de « filer un coup de main », en aidant la mairie à trouver du matériel ou en permettant à un jeune rappeur de tourner son clip dans le théâtre désert. La petite pièce, lumineuse et conviviale avec son canapé et ses coiffeuses, tout comme le maître des lieux, ne semble attendre qu’une chose : la réouverture des salles. Les annonces gouvernementales ont été reçues par José comme une injustice, mais réfléchie. Pour lui, ce n’est pas directement le théâtre qui est propice à la propagation du Covid, mais ce qu’il y a autour : la file d’attente, la sortie de salle… « Par contre, dans la mesure où l’ouverture des magasins est privilégiée au détriment du monde culturel, il y a bien sûr une injustice ».
Quand le spectacle vivant se meurt…
José est tombé dans le monde du spectacle par hasard. En 1985, alors qu’il enchaînait des métiers « plus traditionnels » - VRP, chauffeur poids lourds, mécanicien… - il a été amené à remplacer un ami régisseur. Tout de suite, il a compris quelle était sa destinée. A cette époque, il n’existait pas d’études dans le milieu du spectacle vivant. « Tout était à faire, à construire. Il n’y avait aucune structure, c’était «à la sauvage» et c’est ça que j’aimais. Le travail, même s’il était fatigant, faisait sourire. Aujourd’hui ce n’est plus le cas. » Il y a trop de demandes par rapport aux offres, et le Covid ne va pas arranger ce constat, fait-il remarquer… Quant à l’intérêt du public, si José et ses collègues pensaient que le premier confinement avait fait prendre conscience aux gens de l’importance du retour à l’essentiel, notamment en revenant d'autant plus dans les lieux culturels, « il n’y a malheureusement rien eu de tel. » A José de conclure, « tout ce que l’on peut souhaiter, c’est de vite trouver une solution, rouvrir les salles, et recommencer à travailler avec notre seul but, ce pour quoi j’aime mon métier : donner de la joie ».